L’État commet une faute en ne respectant pas le droit des prisonniers à la protection de leurs données personnelles, s’il laisse un détenu accéder à un document comportant les motifs de l’incarcération d’un autre détenu. Il engage également sa responsabilité en les soumettant à des conditions de détention indignes.
Un détenu demande à consulter sa « fiche pénale », un document qui comporte le motif de son incarcération. Au lieu de lui permettre de le consulter au greffe de l’établissement, ce document est déposé en son absence dans la cellule qu’il occupait avec un codétenu. Ce codétenu se voit ainsi donner accès à un document qui comporte des données personnelles sensibles.
Saisi d’un recours indemnitaire et après renvoi du Conseil d’État qui a annulé le précédent jugement de rejet, le tribunal estime que le droit de l’Union européenne issu du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive « Police-Justice » de 2016 s’applique au bénéfice des détenus, qui se voient ainsi reconnaître le droit à la protection de leurs données personnelles.
Le tribunal considère que cet agissement est constitutif d’une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service public pénitentiaire. Il condamne l’État à réparer le préjudice moral résultant de cette violation de données personnelles en versant au requérant la somme de 800 euros.
S’agissant des allégations de conditions de détention indignes qui étaient également soulevées dans le recours, le tribunal tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et notamment de la condamnation de la France pour surpopulation carcérale dans l’affaire J.M.B. et autres du 30 janvier 2020. Le tribunal retient en particulier que le requérant a partagé sa cellule tout au long de sa détention, qu’il a eu à sa disposition un espace personnel d’une surface comprise entre 4,5 m2 et moins de 2,5 m2, qu’il n’a pas toujours disposé d’un lit personnel et dormait donc souvent sur un matelas en mousse et qu’il n’a jamais bénéficié d’une intimité aux toilettes faute pour les sanitaires d’être cloisonnés en totalité.
Le tribunal en conclut que le requérant a été soumis à des conditions de détention portant atteinte à sa dignité tout au long des 128 jours de sa détention. Il condamne l’État à réparer son préjudice moral, ses souffrances physiques et psychiques et son préjudice esthétique résultant d’une automutilation par brûlures de cigarettes, dont le tribunal estime qu’elle est liée aux conditions de détention indignes. Ces préjudices sont quant à eux évalués à la somme totale de 4 500 euros.